Amour (im)possible

Publié le par Marie Helias

Amour (im)possible

Amour impossible

 

Je veux tomber amoureuse, seulement, je ne sais pas comment faire. Certains proverbes disent que quand on cherche, on trouve. A l’opposé, il y en a un autre qui intitule : « C’est quand on s’y attend le moins, que le bonheur nous tombe dessus. » Alors ? Comment dois-je faire ? Attendre, ou agir ?  Nous, humains, nous nous contredisons tellement ! Par exemple, parfois, je veux couper les ponts, être seule avec moi-même, pour réfléchir. Mais une fois seule, la solitude me rattrape. Je suis seule avec mes réflexions et je prends peur. La seconde d’après, je me vois courir vers un endroit remplit. Mais c’est à ce moment que j’ai découvert une chose pire qu’être seul. Se sentir seul. On a beau être entouré de personnes, quand on est seul, rien ni personne ne peut combler ce vide qui s’incruste en nous, qui s’accroche comme une tique, qui nous déchire de l’intérieur. C’est une plaie trop profonde.

Alors voilà, je me sens seule, même si je ne le suis pas. C’est souvent le cas en ce moment. Et puis, je vois mes amies tomber amoureuses, je vois leurs yeux pétiller, la tête dans les nuages. Je les envie. Mais ce n’est pour cela que je veux tomber amoureuse. J’ai eu un petit ami, mais je n’étais pas attachée, pas tout le temps en train de penser à lui. Je n’avais pas la flamme, la vraie. Et ce sentiment m’intrigue. J’aimerai comprendre ce qu’il a pu ressentir pour moi. Oh ! je me suis longtemps sentie coupable, comme si j’avais fait semblant de l’aimer. Je pense que je l’aimais, sinon je ne serai pas sortie avec lui. Mais je n’ai jamais cru un seul instant qu’il serait l’homme de ma vie. Et selon mes amies, lorsqu’on aime vraiment, on s’imagine passer sa vie ensemble. Ce n’était pas mon cas. J’ai bien vue qu’il m’aimait de plus en plus. Il méritait que ce soit réciproque. Il était adorable, vraiment charment et très gentil. Mais je ne pouvais plus lui dire que je l’aimais tout en sachant qu’il n’y avait pas la même intensité dans mes paroles que dans les siennes. Si j’avais continué avec lui, je ne lui aurai fait que plus de mal. Sans doute. C’était ce que je ressentais. Et je sais parfaitement, que mon cœur sera brisé un jour. La roue tourne, et pour moi aussi.

Il parait qu’on ne le ressent qu’une fois dans sa vie, cette passion dévorante. J’aimerai la connaitre. Je suis jeune, je ne parle pas de mariage. Seulement d’un amour très fort, et réciproque. Ce serait le rêve…

Mais quelques fois, j’abandonne. J’arrête de chercher, de calculer. J’arrête de voir si un garçon me conviendrait, si je lui plais. Je déprime un peu, puis me sens plus légère, ma tête ainsi libérée de toutes ses pensées accaparantes qui m’épuisent. J’ai peut-être peur de finir ma vie seule, comme dans les films. Peur d’être une vielle dame avec pour seule compagnie ses chats, dans une maison vide, avec des objets qui ne servent qu’à combler un peu le vide et le froid installés. Mon but sera de fonder une famille, d’être heureuse. Comme le dit John Lennon : « Le bonheur est la clé de la vie. » Une vie sans bonheur ça ne serait pas vivre, mais survivre. Et je me suis juré de garder mon sourire, ma joie, intacte. Ne jamais rien perdre de qui je suis vraiment. Et si jamais cela arrive, je prierai St Antoine de Padou pour m’aider à retrouver les morceaux perdus en chemin.

Personnellement, j’ai la conviction qu’on ne perd jamais rien sans bonne raison. Par exemple, quand une personne s’éloigne de toi, tu as l’impression qu’elle part avec une partie de toi. Mais cette partie n’est que l’ignorance, la naïveté. C’est une expérience qui te fait grandir, qui te montre qu’il y a des personnes qui partagent ta vie un jour et qui, le lendemain, peuvent ne plus en faire partie. C’est ça, la vie. Une incertitude. On avance dans le brouillard que l’on éclaire pas à pas. Le « demain » est un point d’interrogation, qui nous demande si l’on tien à continuer l’exploration. Il ne faut pas avoir trop peur, car si tu hésites, la chance de prendre le bon chemin tourne. Ce sont des opportunités qu’il ne faut pas gâcher.  L’avenir et tous ses imprévus, ne sont là que pour nous apprendre la Vie. Il y a des hauts et des bas, rien que des tests. Ils nous brisent, ou nous rendent plus fort. D’où le :  « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. » Il faut tenir le coup, parce que c’est obligatoire qu’à un moment dans notre vie, il y passe un rayon de soleil. Un court lapse temps de répit qu’il faut saisir à la volée et garder précieusement. Ces moments de sérénité, de bonheur, ce sont nos recharges pour continuer la bataille.

Mais avant de le trouver, il y a tout un champ de bataille à traverser. Et parfois, j’en ai marre. Marre de voir autant de gens souffrir à cause des piques que la vie leur envoie. Je me demande pourquoi tout doit être aussi compliqué? Pourquoi ne pas donner un moment de répit? Un moment où tout s'envole et libère ces cœurs surchargés... Rien qu'une fois, une journée, une heure, une minute, une seconde même! Afin qu'on puisse avoir un aperçu de ce que ça serait d'avoir tout surmonté. De savoir comment on se sentirait à la fin du combat. Ce serait trop demander de redonner la volonté, l'envie de vivre? Serait-ce trop demander que d'alléger les souffrances? Parce que certains aussi en ont marre, mais pour eux ce sera la dernière fois. La dernière fois qu'il entendront les criquets chanter, les oiseaux gazouiller, qu'ils verront le ciel, le soleil et la lune. Ce sera la dernière fois qu'ils verront les étoiles d'aussi loin...

Cependant, la vie est imprévisible, c'est un fait. On ne peut pas tout contrôler, que ce soit pour les meilleurs et les pires jours. On ne peut qu'encaisser, et avancer. Inutile de se lamenter sur son sort trop longuement. C’est pourquoi il faut prendre toutes les occasions possibles pour être heureux. Car même si les souvenirs deviennent vague, que les visages s’effacent, la trace du bonheur reste gravée en nous, dans notre âme.

Sérieusement… Combien de temps la vie compte me faire attendre ? J'ai l'impression que plus rien ne m'attend.

Quelques rares fois pourtant, des miracles persistent.

 

*            *             *

 

- Bonjour, lance le professeur de lettres. Sortez une feuille, aujourd’hui vous avez un exam d’écriture. 

Les élèves ronchonnent mais s’exécutent. Je pousse dans un coin de mon bureau mes cahiers et pose une feuille blanche devant moi.

- Le but est très simple, continue-t-il. Vous avez la période pour écrire une nouvelle de trois cent mots minimum, quatre cent maximum. Vous avez carte blanche, laissez votre imagination sortir et écrivez !

- On peut écrire sur le sujet qu’on veut ? s’enquit une blonde à ma droite.

Sa voix aigue raisonne dans l’amphithéâtre.

- Exactement. Au travaille ! Vous pouvez écrire au crayon à mine, cela ne me dérange pas.

Tous les élèves plongent leur nez sur leur copie et griffonnent leur brouillon. Faire un essaie permet de garder le contrôle sur la direction que l’on prend. Comme dans la vie d’ailleurs. Mais je trouve qu’il enlève tout ce qu’apporte le premier jet.  C’est bien de retravailler son texte pour perfectionner, mais il y a un risque d’enlever la magie, les émotions spontanément décrites. En relisant, on a tendance à vouloir rajouter pour faire comprendre au lecteur combien nos émotions sont profondes. Mais c’est une erreur. L’humain a déjà ressentit, ou est capable de comprendre parfaitement, ce qu’il y est dit. Il est capable de se mettre dans la peau de l’écrivain sans même avoir besoin de grands mots. Il suffit d’être vrai, honnête. Les émotions sont, la plupart du temps, soudaines et très fortes. Pas besoin de faire durer les explications. Un seul mot, et tout est dit.

 Même si mon esprit est souvent traversé par des idées multiples, des tournures de phrases auxquelles je reste indécise, j’ai carte blanche et mon inspiration se trouve dans la classe, à deux chaises de moi, un peu plus bas. Alors je n’ai aucunement besoin de tenir un brouillon.

Je prends mon crayon à papier et me laisse emporter par les mots.

 

Un amour impossible

 

Je te détaille discrètement. Tu n’es qu’à quelques pas de moi, si proche et si loin en même temps… Parfois, c’est insoutenable. J’aimerai tant te sentir contre moi, ton souffle sur ma peau, tes mains brulantes, tes caresses… Mais c’est impossible. C’est un rêve, un doux et magnifique rêve, mais rien de plus.

Je promène mon regard sur toi. Tu es plongé dans ton devoir et ne me remarque pas. Tu ne m’as jamais remarqué. Je suis la fille au fond de la classe, au second plan. Je suis le plan Z, celui qu’on ne dresse qu’en cas de désespoir. Je détaille la courbe de ton dos, ton t-shirt qui s’étire légèrement au niveau de tes épaules musclées. Tes jambes sont repliées sous ton siège, tes cheveux bruns ébouriffés bouclent légèrement sur ta nuque. Quelques fois, tu tournes la tête vers la gauche. Pas pour me regarder moi, mais plutôt pour regarder la grande brune aux longs cheveux brillants, aux gestes gracieux, et aux jambes bronzées et interminables. Je te vois lui adresser un petit sourire en coin, ce qui marque une fossette craquante. Tu as de longs cils qui rendent ton regard vert plus intense, tes lèvres sont irrésistibles et fines, mais parfaitement remplie. Parfaites, comme toi. A chaque fois, c’est une torture. Te voir la regarder, la remarquer. Alors que moi, je reste éternellement invisible.

Je dresse ces lignes tout en te jetant des regards en coin, ne pouvant me résigner à te perdre de vue. C’est toi mon essence, mon inspiration. Pourtant, je me suis résignée depuis longtemps à ce que tu ne m’adresses jamais un seul regard, néanmoins, à chaque pas que tu fais lorsque tu t’éloignes de moi, c’est comme un coup au cœur. Lorsque le cours finira, tu vas se lever, rassembler tes affaires, échanger des plaisanteries avec tes amis qui me feront sourire secrètement. Tu descendras les marches, accompagné de ton groupe. Tu croiseras la brune séductrice et te retourneras pour lui adresser ce sourire dont je rêve le soir. Et moi, dans l’ombre, j’aurai l’impression d’être de plus en plus seule et délaissée. A chaque pas, mon sourire s’effacera petit à petit, et mon cœur se glacera.

Je crois que je t’aime. Mais tu ne le sauras jamais. C’est peut-être mieux ainsi. Si ce n’est pas réciproque, recevoir un regard de pitié me sera fatal.

Continue de sourire. Sois heureux, et je le serai aussi.

Signé, la fille du fond.

 

Je relie mon texte, rectifie quelques mots et compte mes mots. Satisfaite, j’écris mon nom et m’adosse à mon siège en souriant. Je jette un coup d’œil vers  Alex, le garçon sans nom décrit dans mon devoir.

Tout ce que j’y ai mis est vrai. Malheureusement… Je veux une histoire d’amour, mais pas à sens unique. Ça me brise, ça me fait mal. Je sais que je n’ai aucune chance avec lui, alors autant avoir une super note grâce à lui. C’est une maigre consolation, mais c’est déjà ça de prix. La cloche sonne quelques minutes plus tard. Je le regarde s’en aller comme dans mon texte. Je me sens terriblement impuissante dans ces moments. Je ne peux pas le rattraper, mais je n’ai qu’une envie c’est de me jeter sur lui et de l’embrasser ! Là, il comprendra enfin ce que je ressens. Si seulement ce n’était pas une très mauvaise idée. De toute façon, je n’ai pas le courage pour…  Dans mon cas, c’est plus facile à dire qu’à faire.

Je quitte la classe en trainant des pieds, le cœur lourd et l’esprit tourmenté. Je dépose ma feuille dans la main du prof et pars sans me retourner.

 

            *             *             *

 

De retour en français, je m’installe au fond comme d’habitude. Lorsqu’IL rentre, mon cœur se met à battre plus fort. Je respire profondément pour me calmer, et l’incite à ne plus ressentir ce genre d’émotions pour lui. Mais c’est peine perdue…Ma raison veut quelque chose et mon cœur l’ignore à la perfection ! Nous, humains, nous nous contredisons tellement ! C’en devient épuisant.

    Le professeur demande le silence une fois la cloche sonnée et les élèves se taisent. Normalement, il doit avoir corrigé nos copies et nous remettre nos résultats. J’espère avoir réussi !  

- Comme c’était la rentrée il n’y a pas très longtemps, j’ai voulu voir faire écrire pour voir comment vous vous débrouilliez, explique-t-il en balayant la salle du regard. J’ai mis une note pour vous permettre de comprendre comment je vous évalue ainsi que pour vous faire voir la note que vous auriez eue. Dans l’ensemble, vous avez une très belle plume ! nous félicite-t-il.

Les minutes qui suivent, il se balade dans l’amphithéâtre pour donner les textes. Il arrive devant et me tend ma feuille. Je le fixe pour essayer de lire dans ses yeux si j’ai réussi le test et il me sourit. Confiante, je détourne le regard et vois ma note. 100% ! Je n’ai jamais eu une meilleure note ! Evidemment, il a fallu qu’il ne note pas ! Chanceuse…  

- Vous avez fait quelques petites erreurs de grammaire mais votre texte était très intéressant et très bien écrit. Il méritait un 100 ! 

- Merci, monsieur ! le remercié-je avec un grand sourire.

Je l’avais dis ! S’il ne sort pas avec moi, autant qu’Alex serve à quelque chose ! Merci Alex !

- Cela vous dérangerait-il de le lire à la classe, me propose soudainement le professeur, leur pétillant.

- Heu… Je ne sais pas trop, c’est assez personnel, décliné-je. 

- Je ne peux qu’insister ! Vous avez beaucoup de talent, cela ne pourrait pas vous faire de mal. D’autant plus qu’aucun nom n’est cité !

Pas faux… Il sait convaincre.

- D’accord, acquiescé-je avec réticence.

Il me fait un sourire XXL et continue de donner les copies. Il revient à son bureau et se racle la gorge pour attiré l’attention.

- Marie a accepté de vous lire son texte alors je vous demande de l’écouter attentivement. Peut-être même que vous pourriez apprendre quelque chose.

Mes mais deviennent moites. Ce n’est pas une bonne idée… Je ne le sens pas du tout ! Je ne veux plus le faire ! Mon cœur semble vouloir sortir carrément de ma poitrine, la chaleur me monte au jour.  

- Tu peux y aller, Marie.

Ma gorge se noue. Je prends une grande respiration. De toute façon, je n’ai mis aucun nom… Je me lève et déglutis. Mes mains tremblotent… Je me dis que je suis au théâtre, que joue le rôle d’une fille. Une fille qui n’est pas moi, qui n’a pas le garçon qu’elle aime qui se tourne vers elle pour la première fois et qui la regarde. Une fille pour qui, lorsque son beau regard vert se pose sur elle, son cœur ne bat pas de plus en plus vite. Je fais un petit sourire timide en essayant de ne pas me fixer sur le fait qu’Alex me voit et que je vais lui faire une déclaration d’amour indirecte. Enfin, elle est directe mais pas voulue, et il ne la comprendra pas donc… Pas de panique.

- Je te détaille discrètement. Tu n’es qu’à quelques pas de moi, si proche et si loin en même temps…

Je me laisse happer par mes mots, mes sentiments et j’oublie tout. Je suis dans le vécu, dans le présent et le passé. Je lis sans m’arrêter.  

- Je crois que je t’aime. Mais tu ne le sauras jamais. C’est peut-être mieux ainsi. Si ce n’est pas réciproque, recevoir un regard de pitié me sera fatal.

Continue de sourire. Sois heureux, et je le serai aussi.

Signé, la fille du fond.

 

Je relève la tête et presque inconsciemment, jette un coup d’œil à Alex tandis que tout le monde m’applaudis. Je reste clouée sur place en voyant son expression. Il a comprit. Sûrement parce que je décrivais la brune qu’il regarde souvent. Il a compris… Contre toute attente, sous son regard doux, il me sourit doucement. 

 

Publié dans Textes

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